Rouler en break V8 de 280 chevaux de 20 ans d’âge vert sapin, voilà qui n’est pas très politiquement correct. Votre serviteur sait ce que ça veut dire, il roulait en C43 AMG (V8 306 ch) il y a 5 ans. Arnaud, son récent et heureux propriétaire, n’en a cure. Contre une fraction du prix d’une Logan de base, il possède une brique « quatre phares » qui dépassait le demi-million de francs il y a 20 ans. Voilà probablement la seule E420 break 7 places « W210 » vendue en France. Avec deuxième banquette dos à la route donc. Pas grise, pas noire, mais vert « Amazone » qui plus est. Collector !
A force de voir, pulluler BMW série 5 Touring et autres Audi A6 Avant, on en oublierait presque que c’est Mercedes qui fut, en 1978, le premier constructeur premium à lancer un break. Naissait alors les 200-280 T, le T signifiant « Transport » ou « Tourisme ». Si les placides versions diesel (72 chevaux dans la 200 TD !) n’amusaient pas la galerie, la 280 TE garnie d’un six en ligne de 185 chevaux était « donnée » pour 200 km/h. La France ne pouvait comme à l’habitude pas s’aligner, les breaks R18 Turbo, 505 ou CX culminant si l’on peut dire à 138 chevaux pour la dernière citée…
La W124 succède aux indestructibles 123 en 1985, et le break sort deux ans plus tard. Point encore de V8 sur cette génération mais tout de même 220 chevaux dans la 300 TE-24 puis la E320 qui lui succède. De beaux bébés d’1,7 tonne capables de pointes à 220 km/h tout en embarquant la famiglia avec armes et bagages. Ce furent Brabus et AMG qui osèrent les premiers monter des V8 de Classe S sur des berlines W124, l’usine franchissant le pas avec la mythique 500 E au Salon de Paris 1990. Coté breaks, Stuttgart laissait la main aux copains bavarois qui avaient déjà dégainés leurs breaks V8 dès 1994 avec les M5 Touring et S puis RS6 Avant.

L’étoile se devait de réagir et ce fut fait avec la nouvelle Classe E « quatre yeux » lancée fin 1995. Le break fut présenté au Salon de Genève en mars de l’année suivante et c’est donc le top de la gamme qui nous intéresse ici. Pas plus long que la berline, il mesure 4,81 mètres de long et 1,85 de large. Il accuse près d’1,8 tonne sur la Roberval et son V8 de 4,2 litres et 24 soupapes lui confère la noble puissance de 279 équidés. C’est 55 de plus que la déjà pas lymphatique E320. Je ne me lasserai jamais de cette course à l’armement d’Outre-Rhin !
Un petit galop d’essais du coté de Montigny-le-Bretonneux nous le confirme : ce break déménage ! Facile comme jeu de mot mais tellement vrai. Rien de bien extraordinaire au démarrage ou à allure modérée : le feulement du V8 se fait à peine entendre tant la bête est bien insonorisée. La suspension sport, de série sur cette finition Avantgarde, reste suffisamment prévenante pour les vertèbres. On n’est pas dans un CLA shooting break 43 AMG moderne certes mais raide comme un parpaing ! Une fois ravitaillés en Château Octane millésime 98, retour au QG non sans une délectable petite pointe sur voie rapide. Le break se transforme en GT avec une poussé linéaire mais très franche. On est sur des rails et les suspensions assurent. Ce côté « indestructible » voire coupés du monde – insonorisation superbe –est digne d’une Classe S « panzer » W140…
Car aucun signe extérieur de sportivité ne trahit le potentiel mécanique. Peinture vert foncé, jantes Avantgarde : tout « 420 » qu’elle soit, elle pourrait tout à fait être une E200 break de même finition.
« Chic mais pas guindée ! »

